Rubrique : photographie analogique et numérique
L'argentique est ce qui mesurait le temps dans une dimension qui appartenait au passé. Ne fût-ce qu'en se rappelant que le temps d'exposition, qui est celui du défilement vertical ou horizontal d'un rideau, dans le cas d'un obturateur du même nom, ou de l'ouverture puis de la fermeture d'un diaphragme dans le cas d'un obturateur central, n'a pas du tout la même signification lorsque pendant cette durée, la lumière balaie une portion d'un film argentique dont elle modifie par là même la structure de manière irréversible, et lorsqu'elle affecte successivement dans son balayage les pixels d'un capteur dont les variations de tension ne seront pas enregistrées telles quelles, mais codées numériquement, et qui reviendra ensuite à son état antérieur, prêt pour une nouvelle capture. Là où l'argentique enregistre ce qu'on pourrait appeler un instantané progressif, le numérique, lui, fabrique ce qu'on pourrait appeler un instantané après coup. Que la différence ne puisse se mesurer qu'en centièmes de seconde ne l'empêche pas d'être d'ordre ontologique.
Philippe Cardinali, in Photographie, médias et capitalisme, sous la direction de François Soulages et Julien Verhaeghe, L'Harmattan, 2009.
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