Rubrique : texte et photographie
Lorsqu'on regarde une image, il y a toujours en elle quelque chose qui ne parvient pas à se rendre à la visibilité, quelque chose qu'on ne voit pas et qui relève de cette distance intime ou de ce rapport qui n'appartient pas directement au visible. Lorsqu'on lit une oeuvre, les mots ne cessent de révéler cette distance en la marquant spatialement, en évidant la surface d'elle-même, en ouvrant un espace où le voir ne peut accéder au vu, où lire c'est voir ce que le voir et le lire refusent. C'est pourquoi le lecteur "prend part à l'oeuvre comme au déroulement de quelque chose qui se fait, à l'intimité de ce vide qui se fait être " (Maurice Blanchot), tout en sachant que "l'intimité de ce vide" ne vient aucunement traduire un manque ou quelque chose qui est ouvertement caché, passé sous silence par l'auteur. En ce sens, l'intimité se fait vide. Elle ne peut donc plus être circonscrite par le rapport entre invisibilité et visibilité, entre caché et montrable. Dans ce vide, l'intimité ne peut se rendre visible, elle signifie à nouveau son être comme creusement de toute visibilité. Du vide, il n'y a rien à voir, rien à retirer, si ce n'est l'espace du voir lui même. Il y va de cette distance intime que l'oeuvre maintient à l'égard d'elle- même, somme toute proche de ce que nous pourrions nommer une distance aveugle. Proximité à l'oeuvre ou radiation de la présence. Proximité sans écriture ou proximité de la non-écriture ou lumière.
Anne-Lise Large, La brûlure du visible, Photographie et écriture, L'Harmattan, 2012.
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