Blog proposé par Jean-Louis Bec

dimanche 22 janvier 2012

La différence des semblables


Rubrique : photographie analogique et photographie numérique



jean-louisbec , Capbreton (Landes), 08/1998  arg

Interrogeons-nous de prime abord sur l'aspect "ontologique" et technique de l'image optique numérique. Sans rappeler tout ce qui sépare l'analogie du numérique, notons que l'image optique, dès lors qu'elle est numérique ou numérisée, composée de pixels, ne se définit plus par un support matériel spécifique comme c'était le cas avec le support dit analogique. A titre d'exemple, la photographie et la vidéo analogique se distinguent par leur support, argentique pour l'une, magnétique pour l'autre. En conséquence, l'image numérique est susceptible de tous les changements, ou presque. Elle change de support, soit, mais pour autant, change-t-elle véritablement de nature?
Je prendrai le parti de dire qu'une photographie numérique reste une photographie, de même une séquence vidéo numérique demeure une séquence vidéo. Comme a pu le dire Jean-Marie Schaeffer, "une image photographiée avec un appareil numérique a le même statut qu'une image photochimique, puisqu'il s'agit dans les deux cas d'indices iconiques bien que transposées selon d'autres voies". De même, selon, Michel Frizot, la photographie numérique, qui rend état de l'action de photons sur une surface sensible, ne fait que conforter la définition de la photographie. Si le capteur photosensible a suppléé à la substance chimique imprégnant la pellicule, il n'en constitue pas moins  une surface sensible à la lumière. On peut considérer que c'est l'empreinte lumineuse, l'acte de prise de vue qui caractérisent l'image optique, qu'elle soit analogique ou numérique. Ainsi, les éventuelles transformations postérieures à la prise de vue n'affectent pas la nature de l'image optique numérique. En effet la manipulation des composants de l'image ne me semble pas être le propre du support numérique: trucages, effets spéciaux, montages (...) sont autant de manipulations propres aux techniques de l'image optique analogique. Avec les technologies numériques, ce type de manipulations devient seulement un peu moins visible pour le regardeur, un peu plus aisé pour l'auteur. Il est vrai que la manipulation numérique des images n'est pas anodine, comme le démontre Bernard Stiegler dans "l'image discrète". Elle tend à semer le doute dans la conscience du spectateur quant aux conditions techniques de production des images, et il devient alors difficile de distinguer le vrai du faux: "cette possibilité essentielle à l'image photographique numérique de ne pas avoir été fait peur- car cette image, tout en étant infiniment manipulable, reste une photo, elle garde en elle quelque chose du "ça a été". Il en résulte d'une part un effet négatif, cette "peur" presque "panique", une "grande crise" due à une "mise en doute généralisée". Le spectateur va être amené à porter sur les images un regard analytique, et à acquérir un nouveau savoir, basé sur cet "irréductible non-savoir de l'image.

Caroline Chik, L'image paradoxale, fixité et mouvement, Presses Universitaires du Septentrion, 2011.

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