Rubriques : photographie objective et subjective ; langage et photographie ; lecture de photographies
La photographie aussi fictive qu'elle soit, peut avoir comme but de densifier le réel ; par exemple nous le voyons dans les enquêtes policières dans le document scientifique, dans l'autoportrait. L'image que l'on cherche de soi-même à travers le narcissisme photographique, se retrouve dans toutes sortes d'iconisations qui sont réalisées avec la photographie, soit pour des buts politiques, pour légitimer un chef d'Etat, soit pour des buts commerciaux, pour vendre une idée, pour vendre une star, etc.
De toutes les façons nous voyons que la photographie paradoxalement n'est pas là pour enregistrer du réel préexistant mais pour donner une densité réelle à quelque chose qui peut-être pouvait en manquer au niveau de la perception individuelle ou collective. Ce qui me conduirait à dire qu'effectivement il faudrait bien considérer la photographie comme un langage et non pas comme un document ayant une valeur par rapport à un référent réel et préexistant; car nul n'est capable de dire quel est le référent ou si on engageait le débat maintenant on trouverait toutes sortes de référents qui sont liés au contexte, aux intentions, aux désirs, aux fantasmes, aux fonctionnements politiques de la société. Et s'il y a fonction et fonctionnement, il y langage. Ce langage, comme tout langage, est codé dans la photographie, selon des signes, des images, des photogrammes, idéogrammes ou éléments reconnaissables par leur fréquence, leur familiarité.
Lorsque la photographie n'est pas lisible, pas reconnaissable, comme nous en avons vu quelques exemples, précisément dans ce cas-là, nous n'avons de cesse de faire apparaître le problème, c'est à dire soit de fixer une interprétation soit de souligner qu'il y a plusieurs interprétations possibles soit de nous étonner du manque de sens qui devient un sens nouveau à l'intérieur du système du sens social.
Qui dit langage social dit bien entendu manipulation; c'est certainement l'usage le plus fréquent de la photographie; j'entends par manipulation toutes sortes de manipulations d'identifications, liées à des investissements affectifs aussi bien que policiers. D'où l'idée à laquelle j'ai travaillé au niveau de l'art sociologique, en utilisant la photographie non pas pour ce qu'elle prétends être, c'est à dire pas au niveau de sa fonction apparente, mais au contraire pour mettre sur scène la manipulation qui la produit. Donc, la photographie comme questionnement de ce qu'elle représente, comme questionnement de sa fabrication et de ses usages et non pas comme fonction remplie. Par exemple, ce que j'appelle la photographie d'intervention qui peut se faire aujourd'hui de façon très immédiate avec le polaroïd (comme aussi avec la vidéo bien entendu). La photographie d'intervention qui se fait par exemple en proposant aux membres d'un groupe social de se photographier eux-mêmes ou de photographier un environnement, de manipuler ses images pour en faire une exposition, d'utiliser ces images vis-à-vis d'eux-mêmes ou comme miroir d'autospection, crée immanquablement un questionnement. Chaque fois que vous avez pu trouver un autoportrait de vous-même, ou un portrait de vous-même je ne doute pas pouvoir affirmer que vous avez questionner l'image de vous-même. Vous avez cherché qui vous étiez à travers cette photographie. Dans un groupe social cet effet peut être démultiplié, ce qui permet de travailler sur les problèmes de conscientisation et de questionner l'image du monde, le rapport à soi-même et à l'intersubjectivité.
Hervé Fischer, in Pour la photographie, de la fiction, GERMS, 1987
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Petite revue bibliographique, modeste et brouillonne, axée sur la photographie. Mots, citations, extraits de textes d'auteurs traitant de la photographie ou de toute autre discipline pouvant se rapporter de loin ou de près à la photographie.
Blog proposé par Jean-Louis Bec
vendredi 9 décembre 2011
Du langage à la langue photographique
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