Rubrique : langage et photographie
Dans un premier temps, l'auteur s'applique à définir la photographie en tant qu'empreinte particulière mais une empreinte tout de même. Ainsi:
Si la plupart des empreintes sont le résultat d'un impact, comme le coup de sabot d'un sanglier dans la boue, le photon qui traverse les lentilles de l'objectif et altère les halogénures d'argent de la pellicule n'est pas vraiment une substance et ne produit pas d'impact. Mais il a une énergie à défaut de masse.
Quel statut ont maintenant les empreintes photographiques par rapport à un spectacle éventuel?
Sont-ce des signes? Ou des indices? ou des index?...
(...)
Les SIGNES sont des signaux intentionnels, conventionnels et systématiques. Ils désignent au sens fort du terme. Les peintures et sculptures sont des signes analogiques, parce qu'elles désignent leur désigné par une certaine proportion (analogie). Les mots, les chiffres, les marques de ponctuation sont des signes digitaux, parce qu'ils désignent leur désigné en l'étiquetant dans un système, et que cet étiquetage peut se faire par une suite de chiffres (digits), du reste réductibles à des choix 0 - 1.
Les INDICES ne sont pas des signes, ce sont des effets physiques d'une cause qui signalent physiquement cette cause, soit par monstration, comme l'empreinte de la patte du sanglier montre cette patte, soit par démonstration, quand un déplacement insolite d'objets démontre au détective le passage d'un voleur. Les indices sont des signaux non intentionnels, ni conventionnels, ni systématiques, mais physiques.
Enfin les INDEX, comme un doigt (index) ou une flèche tendus vers un objet, indiquent cet objet. Ce sont bel et bien des signes, puisque ce sont des signaux intentionnels, systématiques, mais des signes minimaux, puisqu'ils ne désignent rien par eux mêmes, il indiquent seulement.
Il suffit de ces précisions pour se rendre compte que la photographie n'appartient pas au domaine des signes, comme les dessins et les mots. Par contre, ces empreintes photoniques sont très exactement des indices, qui signalent leur cause, le spectacle, tantôt en le montrant, quand les taches sombres et claires me font voir une biche, tantôt en le démontrant, quand une distribution de points noircis permet de découvrir par raisonnement un corps céleste ou l'arme d'un assassin.
Henri Van Lier, Philosophie de la photographie, Les cahiers de la photographie, 1983
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