Rubriques : hasard et photographie ; perception vision et photographie ; psychologie du photographe
L'état photographique : une joyeuse, alerte inquiétude.
Lorsque je photographie une chose, mon but est moins de la cerner dans son individualité (pourtant indispensable) que de capter, puis de susciter des associations d'idées.
Plutôt que de traquer le "sens" du monde, le rôle de la photographie est selon moi - si rôle on doit absolument définir - de traiter avec sa magnifique incompréhensibilité.
Je ne vois pas l'image photographique comme soustraite au monde dans le but de sa représentation, de son redoublement, mais comme chose parmi les choses, objet parmi les objets. Certes, contrairement aux autres disciplines, elle nécessite des objets "réels" pour exister, mais elle est finalement, elle aussi, une réalité inédite.
L'oeil. Le globe oculaire. Cette surface sphérique sur laquelle, année après année, glissent les reflets de milliers, de millions de visages, de plaines, de tables, de feux, de chambres, de lettres, des pays entiers, des feuillages tremblants, nos mains...
(...)
La tâche du photographe : réduire deux écarts : entre ce qu'il voit et ce qu'il croit voir, entre ce qu'il voit et ce que l'appareil voit. Un obstacle psychologique, un obstacle technique.
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Certains s'offusquent de ce que la photographie, qui n'est pas élaborée, mais, en somme purement "produite", puisse être, dans une certaine mesure, le fruit du hasard. Autrement dit, pour un photographe qui va à la rencontre de l'imprévisible, l'image n'est pas l'aboutissement d'un labeur, mais le fruit d'une séquence de choix successifs. L'art du photographe consiste moins à remettre les données de son médium à l'épreuve en toutes occasions qu'à tenter de mettre le hasard de son côté le plus souvent possible. Ou plutôt : ceci même est peut-être l'essence de son médium. C'est pourquoi l'image réussie "par hasard" ne devrait jamais être repoussée par le photographe.
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