Blog proposé par Jean-Louis Bec

dimanche 20 novembre 2011

Ouvrez les yeux



Rubriques : langage et photographie ;  photographie objective et subjective


La projection mentale n'est pas une communication. Elle entre dans un régime d'attribution. L'image a comme régime l'introjection forcée dans le registre des médias. L'image a pour fonction d'aider à faire dire oui, à effacer le désir pour le remplacer par un désir d'image marchande. Ce détournement procède dans le psychisme comme une terreur.
Les images psychiques et les images physiques agissent indifféremment sur le sujet, comme récepteur des champs de force de la représentation individuelle et collective. Cette force entre dans le sujet comme une persuasion, un cheval de Troie qui titille lentement l'inconscience, l'invu du sujet. En cela l'imago entre et séjourne dans le sujet, l'habitue aux images rétiniennes de la collectivité, piétine le regard subjectif, en faisant acquiescer l'homme à l'habitude de voir l'intolérable pour en faire un intoléré puis un acte d'incorporation tolérable. Vidéodrome de Cronenberg travaille l'incorporation et l'introjection mentale de la castration. C'est en soi que l'arme pénètre, c'est le corps qui s'ouvre à l'image et à la réalité de l'arme à feu. L'incorporation du corps étranger fonde la disparition du sujet chez Cronenberg. La capture des images atteint le sujet et le tue. Il implose comme implose un écran de télévision.

L'énigme de l'image repose sur la fabrication du sujet dans l'ordre social et le nouage de la société sur le sujet. L'image de la fabrication du sujet participe d'un ordre de la puissance institutionnelle, de cet implicite qui conditionne les comportements, les réceptions, le jugement et sa critique. Les images n'enserrent pas innocemment le récepteur d'une présentation introjectée de l'imago. L'image est toujours au pouvoir de quelqu'un, de l'institution. Le pouvoir tout-sachant insuffle la réalité et défait la complexité subjective des émois du sujet. Mais ce nouage du sujet sur les images de la représentation sociale du soi admet en force l'imago Déi, cette aura de la toute-puissance des territoires dominants de la castration symbolique sur les masses. Les images de la domination, déchirent le récepteur entre le sensible et le subjectif. L'imago est censé combler le sensible. Il tend sur le sujet la toile de l'oeuvre, l' illusio. Les images de l'institution ne communiquent pas. Communiquer consiste parfois à affaisser l'autre, à détruire la possibilité de toute réponse. La place de l'être est jouée, il sera dominé et soumis à l'absence. Selon l'ordre du plus fort, il doit recevoir des messages et les subir sans conscience ni distance. Le traitement de l'énigme subjective déplace l'homme de la culture dans la guerre de l'insensible au sensible. Il faut reconnaître la maltraitance à l'égard de la sensibilité, symptôme archaïque de la faiblesse subjective.
Si l'homme porte en lui le miroir de ses positions subjectives variables insues, il entre dans la déroutante méprise des représentations et de la mise en norme du déjà-mort de l'art. Les images, dans la scène inconnue du sujet, se travestissent sous la forme de l'infigurable, de la loi lacérée du désir, articulées sur le devenir des êtres et des images. La philosophie travaille l'image sur les figures de la débâcle du discours et de la pensée devant les ruines de l'insu. L'avenir du sujet se noue dans la condition de l'image. La langage participe à la logique normative pour indéfiniment réinventer les formes et pour civiliser le regard et le dit, le pensé et le su. L'immense castration des sens vient du pouvoir imputé à l'ordre des représentations, à la puissance de la Loi psychique, qui régule le sens de la vue et de son intellection. Le pouvoir de l'ordre est importé dans le conditionnement irréfléchi des sujets et guide leurs réactions spontanées et sensorielles. Le sensible cible principale lors des interrogatoires de la norme contre le sujet. L'imaginaire s'inscrit dans l'alogique des images désirantes, des influx foudroyants qui agissent dans le subjectif et l'aliénation.
Bâtir une philosophie sur la logique des images engendre une pensée en ruines de la sensibilité. La défaite de la pensée est la défaite du ressenti du penseur. L'image renvoie le sujet à son Autre défait et surmoïque. Elle coupe ses rapports à l'ordre du désir et de la pulsion. Le surmoi socialisé le sollicite et le divise entre l'admis et l'illicite, le perceptif et l'effacement du perceptif. Le retour de la morale recouvre les images interdites d'une opacité aveuglée. Les tabous à la mode sont transpercés de néants atypiques et perfectibles. L'image participe à la fabrique du sujet dans la question de la reconduction des corps pensants et pensés comme un imago intojecté dans la suspicion.

Stevens Bernas, Les archaïsmes violents de l'image, L'Harmattan, 2006.

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