Blog proposé par Jean-Louis Bec

mercredi 23 février 2011

Avis de naissance


Rubriques : art et photographie ; photographie du XIX ième

Alors que la peinture et la littérature sont longtemps restées soumises au bon vouloir des commanditaires et des mécènes, la photographie a très tôt connu des mouvements d'autonomisation vis-à-vis des contraintes pratiques et commerciales.
Servant de contrepoids artistique à l'énorme poids de l'utilité pratique qui pèse sur la photographie, le processus d'autonomisation s'inscrit dans un vaste mouvement qui accompagne l'essor de la société industrielle au milieu du XIX ième siècle: l'abandon par la littérature et les arts de leurs anciennes subordinations aristocratiques pour se livrer aux lois du marché, des salons et de la presse.
Parallèlement à l'invention de l'esthétique pure, du regard pur et du personnage social de l'artiste professionnel tel que l'ont incarné Flaubert, Baudelaire ou Manet, le champ photographique se constitue en se scindant en deux.
D'un côté le photographe commercial.
De l'autre le photographe artiste qui, lui, se veut porteur d'une approche délivrée du  joug de la marchandise et des contraintes de l'utilité- on pense à Gustave Le Gray ou à Henri Le Secq.
(...)
Cette scission du champ photographique est éloquemment symbolisée par l'opposition inaugurale entre Daguerre, dont  l'image sur métal connaît un immense succès porté par l'Académie des sciences;
et entre Bayard dont le procédé sur papier demeure confidentiel en dépit d'un soutien de l'Académie des beaux-arts.
Sur cette disparité technique entre le métal et le papier s'adosse, dès le milieu du XIX siècle, une série de clivages entre des catégories de praticiens (les "gens du métier" et les artistes), entre des usages divergents du procédé (pour la science ou l'art, le métier ou la création, l'"utilité" ou la "curiosité"), entre des institutions (l'Académie des sciences et l'Académie des beaux-arts), entre des acteurs rivaux (Daguerre et Bayard), entre des orientations contraires (le  profit et la qualité), et, inséparablement, entre des choix esthétiques antagonistes (le net, le flou)".
Gustave Le Gray, 1852:"le progrès de la photographie n'est pas dans le bon marché, mais bien dans la qualité d'une épreuve" et "J'émets le voeu que la photographie, au lieu de tomber dans le domaine de l'industrie, du commerce, rentre dans celui de l'art. C'est là sa seule, sa véritable place, et c'est cette voie que je chercherai toujours à faire progresser".

Gustave Le Gray, Le Vapeur, 1857.

André Rouillé, la photographie, Folio essais, 2005.

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